Kouni-a-manman-w : info ou intox ?
Nous recevons régulièrement des chaînes d’email censés sauver une personne très malade, nous faire gagner le gros lot ou diffuser des messages de paix et d’amour… Et ça marche, car il nous est précisé que si nous ne renvoyons pas ce mail à un certain nombre de personnes, un grand malheur s’abattra sur nous dans les 48 heures !
Le phénomène n’est pas nouveau, et avant même que nous n’ayons vu la couleur d’un ordinateur, nous recevions dans notre boîte aux lettres des courriers de ce genre écrits fébrilement à la main à au moins 10 personnes et postés en urgence avant l’arrivée du drame.
Mais parmi ces chaînes certaines sont plus subtiles, la menace n’étant pas clairement spécifiée à la fin du message sous la forme « si tu ne fais pas ça, il t’arrivera ça… », mais se glissant sournoisement entre les lignes en faisant appel à notre sensibilité.
C’est le cas de celui-ci :
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Origine de l’injure créole… ‘cou…’
C’était un soir de carnaval il y à un peu moins de deux semaines ; dans le tumulte des coups de fouet et des bruits de tambours, surnage de-ci de-là l’injure suprême : « cou….. ». C’est alors que la grand-mère d’un ami me demande si je connais l’histoire de cette injure ; j’avoue, que je ne me suis jamais intéressée à ses origines, croyant comme tant d’autres que cela a un vague rapport avec les organes génitaux de la mère.
Alors elle me raconta : Au temps de l’esclavage, pour marquer davantage leur différence d’avec nous – pauvres esclaves bien que notre couleur de peau parlait déjà assez en notre disgrâce – le blanc décréta que nous n’aurions pas droit, en particulier les femmes, de porter de bijoux : pas de boucles aux oreilles, pas de bagues aux doigts, pas de collier aux cous. Nous devions aller simplement vêtus de nos haillons sans la moindre babiole pour se donner l’impression de briller un peu, pour s’abreuver d’une illusion de « vie normale » , alors que dans notre pays d’origine, nous étions parés, rois, reines et communs du peuple, tant et tant que nous croulions sous le poids de nos ornements d’or.
Voila de quoi nous rabaisser, encore un peu plus.
Et l’enfant du blanc, bien au fait de cet état des choses, par mépris, par dédain et par haine prit l’habitude de jeter à la figure du petit esclave : « le cou de ta maman est nu ! ». Cette phrase à elle seule rappelait la triste condition de l’enfant, esclave par sa propre mère, et la honte attachée à sa situation d’être jugé inférieur.
LE COU DE TA MAMAN EST NU !
Cou ni a manmanw !
Je voudrais juste que dans un instant de lucidité, le jour où cette injure s’échappera de vos lèvres vous n’oubliez pas qu’un jour un de vos ancêtres, votre arrière arrière grand-père ou votre arrière arrière grand-mère peut-être l’a reçue en pleine face telle une gifle pour que jamais il n’oublie qu’il n’était qu’un esclave. Je voudrais que vous mesuriez toute la portée de cette phrase et que vous considériez la tristesse de se l’envoyer à la figure d’Antillais à Antillais alors que nous venons tous du même bateau et que nos ancêtres ont emprunté la même route. Je voudrais que vous vous mettiez à la place de ce tout petit qui pour l’instant ne pense pas encore à la possibilité de vivre un jour différemment et à qui l’ont dit : « le cou de ta maman est nu » quand, par amour, il voudrait la voir ployant sous les bijoux.
Et aussi, faisons en sorte que jamais le cou de notre mère ne soit nu :
si ce n’est pas de bijoux, que ce soit notre amour et notre respect qui la couvre.
Au nom de toutes celles qui n’ont pas eu cette chance.
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Message pour le moins émouvant, qui visiblement, lorsqu’on se donne la peine de lire certaines réactions sur des forums qui traitent du sujet, est pris très aux sérieux. Certains sont très émus et vont même jusqu’à dire qu’ils ne prononceront plus jamais cette insulte maintenant qu’ils en connaissent la réelle signification… A croire qu’auparavant ils n’avaient aucun scrupule à insulter quelqu’un en lui parlant du sexe de sa mère !
Cela dit l’injure n’est pas spécifiquement antillaise. A Marseille, nous avons avec le fameux « con de ta mère » (à prononcer avec l’accent marseillais s’il vous plaît !), la parfaite équivalence de « Kouni-a-manman-w ». Certains marseillais emploient d’ailleurs cette « expression » de façon très courante… Il arrive même qu’un père le dise à ses propres enfants (…).
« Kouni », l’équivalent en créole de « con » venant du latin « cunnus », n’a pas qu’un vague rapport avec les organes génitaux de la mère : C’EST les organes génitaux de la mère. Cela devrait être largement suffisant pour tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de prononcer l’insulte.
Et pour finir sur la même note sentimentale que notre fameuse intox, mais qui mérite d’être méditée :
« Faisons en sorte que jamais une mère (celle des autres, la sienne, celle de ses enfants…) ne soit insultée, que ce soit notre amour et notre respect qui la couvre.
Au nom de toutes celles qui n’ont pas eu cette chance.
En hommage à nos ancêtres, tout particulièrement à ceux qui ont subi bien d’autres humiliations que d’aller « cou-nu » ».
Et arrêtons de diffuser des conneries !
Mona