Le tambour de nos ancêtres
Le tambour représente la base de la musique des Caraïbes.
Déjà les amérindiens l’utilisaient : le tambour mayohuacan rythmait leurs cérémonies religieuses et leur permettait de communiquer.
Les peuples d’Afrique qui ont été introduits comme esclaves dans les colonies dès la fin du 15ème siècle ont des origines géographiques diverses (Sénégal, Gambie, Guinée…) et sont issus de différentes ethnies. Ils parlent des dialectes différents mais ont un langage en commun : la musique. Même lorsque elle leur est interdite, ils se servent de callebasses ou de planches… Car la musique est pour eux un moyen d’exister, de s’identifier et de communiquer. La danse aide leur corps à être en harmonie avec leur âme et leur permet d’acquérir ainsi une certaine forme de liberté.
La musique rythme leurs journées de labeur, leurs soirées, leurs fêtes et leurs rites religieux.
A Haïti, les rituels vaudou sont accompagnés par plusieurs tambours parmi lesquels l’assotor ou le manman.
A Cuba, les esclaves communiquent avec leurs dieux orishas grâce aux tambours batá. Ils se regroupent par ethnies dans des groupes appelés calbidos et forment des ensembles de percussions qui animent leurs fêtes.
Cuba se distingue car les espagnols autorisaient les esclaves à pratiquer la musique et à célébrer certaines fêtes comme le Jour des Roi. Dans beaucoup d’autres îles, la musique est interdite aux esclaves durant le 17ème siècle. Ne pouvant utiliser les tambours, ils s’expriment au travers des chants et des danses comme la danse calenda (calinda, ou kalenda) , que l’on retrouve dans beaucoup d’îles des Caraïbes (Haïti, Puerto Rico, Cuba, Martinique, Trinidad…).
La musique, forme d’expression
A partir du 18ème siècle, alors que les colons ont constaté que la musique améliore le rendement du travail des esclaves, les tambours ré-apparaissent et accompagnent les chants et les danses, ainsi que d’autres instruments comme des baguettes, des grattoirs, des chachas et des maracas… Bien plus que de simples instruments, ils sont à l’origine de formes d’expression musicale qui réunissent la musique, la danse et le chant. Le bèlè en Martinique, le gwoka en Guadeloupe, la rumba à Cuba et la bomba à Puerto Rico, font partie de ses formes d’expression. Ils expriment et accompagnent des thèmes de la vie des esclaves à travers plusieurs rythmes (amour, fécondité, combat, travail, fêtes,…). Musiciens et chanteurs mènent le rythme et un échange se crée avec les danseurs.
Créolisation
La musique des Caraïbes a commencé à élargir son répertoire au contact des influences européennes dès le début du 19ème siècle. La contredanse (ancêtre de la quadrille) est à la mode en Europe. Aux Antilles elle se créolise avec notamment l’ajout de percussions pour donner la contradanza à Cuba, la haute-taille ou le quadrille en Martinique, la plena à Puerto Rico, … Ce phénomène se poursuit durant tout le siècle : la valse, la polka et la mazurka animent les bals de la bonne société. Toutes ces danses apparaissent dans les sociétés bourgeoises des colonies, mais se répandent aussi dans les bals populaires où européens et esclaves affranchis se côtoient. La valse créole et la mazurka créole font leur apparition. Nés de la rencontre de plusieurs cultures, les nouveaux styles musicaux qui apparaissent aux Caraïbes jusqu’au début du 20ème siècle sont nombreux : la biguine en Martinique et en Guadeloupe, la bachata en république Dominicaine, le mento en Jamaïque, le Calypso à Trinidad, le jibaro à Puerto Rico, le danzón puis le son à Cuba, la merengue en Haïti ou le merengue en République dominicaine…. Ils sont toujours dominés par les percussions dont le rythme est donné par les baguettes comme les claves cubaines, les cuas portoricains ou les ti-bwa martiniquais.
Musique des villes et musique des champs
Dans les campagnes, les soirées sont toujours animées par le gwo-ka en Guadeloupe et le bèlè en martinique, qui perpétue les danses comme la Kalenda. Cette dernière donne naissance à la biguine après l’abolition de l’esclavage. En Martinique, des manèges à chevaux de bois actionnés à la main animent les fêtes communales. Ces manèges sont accompagnés de musique entraînante jouée avec le tambour (dé bonda), le ti-bwa, le cha-cha, la flûte et la clarinette. Cette musique a pris le nom des manèges : chouval-bwa.
La ville de Saint-Pierre en Martinique est depuis le 18ème siècle le noyau culturel des petites Antilles. Des orchestres se forment, avec une instrumentation plus européanisée : piano, banjo, accordéon, clarinette… Les premières biguines sont jouées dans les bals de Saint-Pierre à la fin du 19ème siècle, alors que la vie culturelle de Saint-Pierre est à son apogée. Elle sera brutalement stoppée par l’éruption de la Montagne Pelée en 1902. La biguine connaîtra son plus grand succès à Paris dans la première moitié du 20ème siècle.
De la biguine au zouk
La biguine traditionnelle prendra par la suite de nouvelles formes. Le musicien guadeloupéen Al LIRVAT, décédé en juin 2007, a créé la biguine wabap au début des années 50, le kalangué dans les années 60 et la biguine-ka au début des années 80.
Les autres îles ont également connu cette évolution musicale, avec l’arrivée du cha-cha-cha et du mambo à Cuba ou du konpa direk à Haïti dans les années 50, puis du ska en Jamaïque ou de la pachanga à Cuba en 1960.
A cuba, la révolution castriste de 1959 fait fuir les musiciens à l’étranger. Le son s’installe à Miami, et à New-York artistes cubains, dominicains, panaméens et porto-ricains lui ajoutent les influences de leurs musiques et du jazz : la salsa apparaît à la fin des années 60 dans les quartiers latino de New-York. Celia CRUZ, la « reine de la salsa », a contribué à l’exportation et à l’énorme succès de cette musique à travers le monde.
En Jamaïque les Sound system (sono mobile en plein air), qui animent les dancehall (pistes de danse) depuis le début des années 50, sont de véritables laboratoires où apparaissent de nouveaux genres musicaux. Le ska évolue en 1966 pour donner une musique plus lente et influencée par la soul, le rocksteady. C’est le précurseur du reggae, qui apparaît en 1968. Le reggae donnera ensuite des variantes comme le dub, version instrumentale née à la fin des années 60, ou le rub-a-dub à la fin des années 70.
Les musiques ont continué d’évoluer pour donner celles que nous connaissons depuis les années 1970-80 : le konpa haïtien et la soca de Trinidad, les musiques inspirées du reggae et du rub-a-dub comme le ragga, le dancehall. En Martinique et en Guadeloupe est né le zouk, mondialement connu grâce au groupe KASSAV, et toutes ses variantes (zouk love, zouk béton, zouk r’n’b, ragga-zouk…).
La musique traditionnelle, essence de notre culture
Les musiques contemporaines sont la continuité logique d’une culture musicale qui s’est forgée au fil du temps.
Cependant l’essence même de cette culture doit continuer d’exister.
Aujourd’hui grâce aux artistes et aux associations, le bèlè et le gwo-ka ont été remis à l’honneur, que ce soit dans leur forme originelle ou modernisée, ou encore fusionnée avec d’autres styles musicaux comme le jazz ou le hip hop…
Le bèlè
La biguine
Le gwoka
Le konpa
La salsa
Le zydeco
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